Le paradoxe des ensembles infinis   Retour à la page d'accueil

Comme la majorité des nombres entiers naturels (positifs) ne sont pas des carrés, il existe plus d'entiers naturels que de carrés:

1    2     3    4    5    6     7    8    9    10     11    12    13    14     15    16    17     18    .....
......................................................................................................................

Mais tout entier positif possède un carré et, de ce fait, il y a autant de carrés que d'entiers naturels:

1    2    3    4     5    6    7    8     9    10    11    .....
1   4   9   16   25   36   49    64   81   100   121 .....

En 1634, Galilée pensait que l'origine de ce paradoxe résidait en l'application des principes euclidiens suivants:

"Le tout est toujours égal à la somme de ses parties" et "Le tout est toujours plus grand que n'importe laquelle de ses parties". Il en déduisit que, si les relations "inférieur à", "égal à" et "supérieur à" peuvent légitimement s'appliquer aux ensembles finis, il n'en est rien lorsque nous travaillons sur des ensembles infinis et donc, nous ne pouvons pas comparer les tailles respectives de tels ensembles.

Toutefois, G. Cantor va proposer vers 1870 un critère de comparaison des infinis: si nous pouvons apparier les objets de deux ensembles infinis de manière telle que chaque objet d'une collection infinie corresponde à un objet de l'autre collection, et qu'aucun objet ne reste dans aucun des deux ensembles, les deux infinis sont dits équipotents.

Considérons l'ensemble des entiers naturels et l'ensemble des nombres rationnels (ces derniers peuvent s'écrire sous la forme d'un quotient de deux nombres entiers premiers entre eux). Intuitivement nous pensons qu'il existe plus de rationnels que d'entiers, puisqu'il suffit de voir qu'entre deux nombres entiers quelconques nous pouvons construire une infinité de ces rationnels. Mais qu'arrive-t-il lorsque nous appliquons le critère de comparaison de Cantor ?

Écrivons d'abord les fractions pour lesquelles la somme du numérateur et du dénominateur vaut 2, puis 3, 4, 5, 6 et ainsi de suite:

1/1     ;      2/1 , 1/2     ;     3/1 , 2/2 , 1/3     ;     4/1 , 3/2 , 2/3 , 1/4      ;     5/1 , 4/2 , 3/3 , 2/4 , 1/5      ;     ......

Nous obtenons ainsi des sous-ensembles de plus en plus longs mais toujours finis et, pour résultat final, la suite infinie de toutes les fractions existantes, bien que non rangées par ordre croissant. Dès lors, il devient possible d'établir une correspondance terme à terme entre les éléments de cette suite et ceux de l'ensemble des nombres entiers naturels.

En conclusion, ces deux ensembles infinis sont de taille identique ou de "même puissance". Leur "cardinal" (c'est-à-dire le nombre d'éléments d'un ensemble) est désigné par "aleph zéro" et correspond à la "puissance du dénombrable", c'est le cardinal de tout ensemble équipotent à celui des entiers.

Une conséquence étonnante de ce qui précède est que, dans le monde de l'infini, la partie peut être égale au tout

exemple:

Soient
N l'ensemble des entiers naturels { 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, ... }
P l'ensemble des entiers naturels pairs { 0, 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20, 22, ... }
I l'ensemble des entiers naturels impairs { 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21, 23, ... }

cardinal de N = cardinal de P = cardinal de I = aleph zéro

     N = P + I   =>   car N = car P + car I    =>   Aleph zéro = Aleph zéro + Aleph zéro ! !
     P = N - I   =>   car P = car N - car I    =>   Aleph zéro = Aleph zéro - Aleph zéro ! !

Cantor va ensuite s’attaquer à l’ensemble des nombres irrationnels (ceux-ci ne peuvent s'écrire sous la forme du rapport entre deux entiers) et démontrer qu’il existe plus d’irrationnels que d’entiers naturels. Nous ne pourrons donc jamais énumérer la totalité des irrationnels; certains infinis sont dénombrables tandis que d’autres ne le sont pas.

Imaginons que tous les nombres irrationnels de l’intervalle [0,1] puissent être inscrits sans ordre particulier sur une colonne unique:

0,17648567... (absence de périodicité dans les décimales) 1
0,23458234...   2
0,62346286...   3
0.34337611...   4
0.13567663...   5
0,25846963...   6
0,32589664...   7
...   ...

L’appariement avec l’ensemble des entiers naturels ne peut vider exhaustivement l’ensemble des irrationnels car il existera toujours au minimum un irrationnel exclu de cette colonne unique. Comment donc trouver un tel nombre? L’astuce consiste à prendre la première décimale du nombre n°1, la deuxième décimale du nombre n°2, la troisième du n°3, ... , la kième décimale du nombre n° k, ... , et à changer arbitrairement la valeur de chacune de ces décimales. Nous obtenons alors un nouveau nombre irrationnel, nombre qui diffère du premier par sa première décimale, du second par sa deuxième décimale, ... , du kième par sa kième décimale, ... , et ainsi de suite:

le nombre 0, 1 3 3 3 7 9 6 deviendrait par exemple 0, 3 5 6 4 8 2 4

Dans le cas des irrationnels, nous ne parlons plus de puissance du dénombrable mais de "puissance du continu".

Retour à la page d'accueil